Gaetane Lamarche-Vadel / 2017
Les remarquables
« Regarde les arbres tomber ! »pourrait se nommer cette vidéo qui montre en boucle
des arbres tomber, avec la brutalité en moins. De biais ou en arrière ils s’effondrent comme aimantés par la gravité, dans un contexte dénué de violence, au contraire.
Le frémissement des feuilles, le chatoiement de lumière sur les troncs, des paysages de sous-bois, une percée de ciel sont des images paisibles de la forêt, si ce n’est qu’un autre mouvement récurrent la parcourt, artificiel celui-là, l’abattage. Ce sont des arbres morts que l’on coupe, ce sont de jeunes arbres qu’on arrache, ce sont des charmes, bouleaux, hêtres, châtaigniers qu’on sacrifie, des pins qu’on décime. On présume que les motifs ne sont pas les mêmes : nettoyer la forêt, l’éclaircir et l’aérer pour les uns, sélectionner les bois de qualité supérieure pour les autres, débiter et vendre en nombre des bois médiocre mais…
Philippe Piguet / 2017
Annelise Ragno, l’épreuve du voir
Une forêt dont les arbres bougent au gré de mouvements imprévisibles. Un homme qui imite le sifflement d’oiseaux. Des troncs d’arbres marqués d’un signe coloré. Un oiseau au plumage polychrome qui tourne dans tous les sens. Un soudain lâcher de pigeons. Après avoir réalisé toutes sortes de films, notamment de figures sportives et animales, visant à capter des détails inscrits dans toutes sortes de gestes, de regards ou de respirations, Annelise Ragno a choisi de s’intéresser monde de la nature.
D’un motif à l’autre, ce qui compte est la chose filmée et le point de vue qu’elle nous donne à réfléchir sur la nature ontologique de ce mode d’expression qu’est la vidéo.
L’art vidéographique d’Annelise Ragno est requis par un souci de construction et de tension que corrobore une forme de grammaire visuelle d’une extrême rigueur fondée sur un…
Née en 1982.
Vit et travaille à Dijon.
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon, Annelise Ragno questionne la représentation du corps filmé ainsi que les notions de durée et de suspension du temps.
A travers un certain illusionnisme, l’artiste nous livre des images qui ne se laissent pas déchiffrer au premier regard et qui offrent au regardeur tout un monde d’indices à appréhender.
Elle a été lauréate du prix de la Fondation Zervos en 2012, elle a réalisé de nombreuses expositions dans des lieux tels que la galerie Premier Regard à Paris, le FRAC Haute Normandie à Sotteville-lès-Rouen, La Goulotte à Vezelay ou encore le Musée des Beaux Arts de Dijon.
Philippe Piguet / Janvier 2013
Annelise Ragno, éloge de l’attente
Il fut un temps où le travail vidéo d’Annelise Ragno s’inquiétait de la question du mouvement. Elle s’était alors saisi de différentes situations, volontiers sportives, dont elle captait la dynamique dans toutes sortes de cadrages et de séquences qui n’en livraient jamais pleinement l’activité mais en déclinaient la geste. Quelque chose y était à l’œuvre qui interrogeait le regard en le renvoyant à la problématique de l’énigme et du fragment dans des pièces en boucle expressément brèves. Ce faisant, il y allait de la volonté de quêter après une forme d’essentialité.
Ses récents travaux partagent une autre préoccupation, celle de rendre compte de l’idée de l’attente. Du moins sont-ils fondés sur un rapport au temps qui exclue toute mesure dynamique en mettant l’accent sur les notions de lenteur, d’incertitude, voire de vide ou de mise en abîme. Vidéo, photographie et dessin sont alors autant de procédures…
Gaetane Lamarche Vadel / Juin 2012
N’est-elle pas étrange cette proposition retenue par l’artiste pour présenter l’exposition ? Phrase incomplète, métaphore flottante qui dit le second sens, l’autre figuré, mais élude le premier à quoi est censée se rapporter la comparaison. Quelque chose boite. L’appui manquant se découvrira-t-il pendant la visite de l’exposition, qui éclairera alors le sens de cette énigme ? La réponse est non. Rien ne manque, la métaphore tient toute seule, elle est une pièce, à elle toute seule, qu’il faut seulement voir et écouter ; apprécier le son de la déchirure, sa résonance externe et interne, le geste sec, irréparable, la locution lapidaire, l’attaque incisive et pourtant elliptique du comme, capable de vous faire accoster sur tant de rivages.
Ainsi que la morsure du drap, cette phrase, arrachée à une page de Jacques Dupin et qui porte en son incomplétude les traces de sa soustraction, ne raconte rien ; elle inaugure tout au plus une série…
Jacques PY / 16 juillet 2012
Annelise RAGNO, l’invention du mouvement perpétuel
« Une minute se passa dans l’ébahissement »
Gustave Flaubert,
Bouvard et Pécuchet
Trois secondes d’éternité est le titre d’un ouvrage de Robert Doisneau1 qui, pour cela, avait additionné tous les temps de pose des photographies reproduites dans son livre. Saisir le temps et en conserver un état dans l’image était jusqu’alors la préoccupation essentielle des photographes, mais, depuis maintenant 50 ans, la vidéo s’est invitée dans cette réflexion. L’œuvre d’Annelise Ragno est emportée par cette double aspiration d’un arrêt sur image qui condense une action, et la transcription d’une vitalité qui impulse un mouvement. Figer le temps sans l’appauvrir de l’énergie qui meut les visages, les gestes et les déplacements. À l’encontre de ce défi, l’artiste lutte contre la fugacité d’une scène et l’inertie des images fixes par le ressassement d’une séquence, la réactivation d’un moment, la juxtaposition des écrans.
Depuis le cadrage des prises de vue jusqu’à leur…
anneliseragno@gmail.com